Levée de fonds

Comment valoriser ma startup ?

Valorisation de l'entreprise

10 LECONS POUR LEVER DES FONDS – LECON N°4

Réaliser une levée de fonds suppose que vous ayez au préalable valorisé votre startup.

Il y a quelques termes à connaître :

  • La valorisation pré-money: valorisation de la startup avant la levée de fonds
  • La valorisation post-money: valorisation de la startup après la levée de fonds
  • Le taux de dilution: le pourcentage du capital que les investisseurs détiendront après la levée de fonds

Quand on parle de valorisation, sans préciser, il s’agit de la valorisation pré-money.

Les réseaux de business angels restent toujours minoritaires. En principe, le taux de dilution après une première levée de fonds est de l’ordre de 15% à 30%, ce qui permet de garder une marge pour le cas où il y aurait une deuxième levée de fonds (voire une troisième) avec des réseaux de business angels et ne pas dépasser 50% du capital à la fin, malgré l’augmentation progressive des parts détenues par les investisseurs.

Le prix d’acquisition des parts par les investisseurs se déduit logiquement de la valorisation totale de la startup  et de la part de capital (= taux de dilution) que les investisseurs détiendront après la levée de fonds.

Pour valoriser une startup, on peut utiliser différentes méthodes :

  • Les méthodes dites classiques, qu’on utilise pour tous les types d’entreprises
  • D’autres méthodes, plus empiriques, plus faciles à appliquer pour des startups

Il y a trois types de méthodes classiques :

  • La méthode patrimoniale, également appelée méthode de l’actif réévalué, qui est souvent utilisée par les experts comptables,
  • Les méthodes comparatives, qui consistent à rechercher des entreprises similaires sur le marché et, à partir d’un critère déterminé, en déduire la valeur de la startup,
  • Les méthodes prospectives, dans lesquelles, là-aussi on part d’un critère de performance : cash flow, résultat d’exploitation, résultat net,… dont on essaye de prévoir l’évolution sur les prochaines années et d’en déduire ce que la startup rapportera chaque année. Cette méthode est celle qui est la plus souvent appliquée par les cabinets de conseil.

Point n°1 : La méthode patrimoniale

L’approche patrimoniale consiste à calculer à partir du bilan de l’entreprise un actif net corrigé obtenu en évaluant les actifs de l’entreprise à leur valeur réelle, et en en soustrayant le montant des dettes.

Cette approche est difficile à mettre en œuvre dans le cas d’une startup, car l’essentiel du capital d’une start-up en amorçage est constitué d’actifs immatériels non comptables, notamment la vision de l’équipe et sa capacité à dégager des bénéfices dans le futur.

Il faut donc estimer la valeur actifs immatériels « stratégiques » qui ne figurent pas sur une ligne précise du bilan (carnet d’adresses, partenariats noués, réseaux, lobbying,…) et ajouter leur valeur à celle des autres actifs (actifs immobiliers et mobiliers, stocks, comptes bancaires,…).

L’évaluation des actifs immatériels protégés

Il s’agit des brevets, marques, dessins,…déposés.

Il y a plusieurs méthodes pour valoriser les brevets :

  • L’approche par les coûts par les coûts historiques (coût de dépôt et de maintien de la propriété intellectuelle, autres dépenses engagées, incluant le coût du temps passé pour le dépôt et la maintenance de ces brevets
  • L’approche par les revenus, qui consiste à évaluer les revenus escomptés de l’exploitation des brevets (par exemple : redevances annuelles actualisées sur toute la durée de vie du brevet, en cas de cession de licences)
  • L’approche par les comparables

La plus facile et la moins contestable est l’approche par les coûts, mais elle n’est pas vraiment représentative de la valeur intrinsèque d’un brevet, qui est forcément très variable d’un brevet à l’autre, même si les coûts sont les mêmes pour tous les brevets.

L’approche par les comparables est longue à mettre en œuvre, elle nécessite beaucoup de recherches et elle difficile à mettre en œuvre, chaque brevet ayant par principe unique et donc différent des autres brevets.

L’approche par les revenus ne fonctionne que si le brevet est exploité.

Chaque méthode donne des résultats différents, voire très différents.

Concernant la valorisation des marques, il y a également plusieurs méthodes :

  • La méthode de super-bénéfices : qui considère que la valeur de la marque est égale à la différence entre la marge réalisée et celle que l’on réalise sur un produit sans marque
  • La méthode des royalties : où la valeur de la marque est la somme des valeurs actuelles des royalties et des différents droits liés à l’exploitation de la marque
  • La méthode des coûts de reconstitution : qui prend en compte le coût des dépenses publicitaires nécessaires pour reconstituer une notoriété identique

On intègre parfois également ce qu’on appelle le « sweat equity » qui correspond au temps que les fondateurs ont consacré à la start-up, valorisé en fonction du salaire qu’ils ont sacrifié pour pouvoir le faire. Les porteurs de projets valorisent souvent leur entreprise de cette façon.

Cette méthode n’est pas vraiment pertinente, puisque ce qui compte, c’est ce que les porteurs de projet ont fait de leur temps (et non le temps qu’ils ont passé sur le projet).  On considère toutefois que le capital humain (équipe, temps de travail investi, savoir-faire technique et managérial, …) peut être valorisé à environ 6 mois de salaires non chargés.

Il y a beaucoup d’autres actifs immatériels, que l’on peut être amené à valoriser :

  • Le capital relationnel et structurel : carnet d’adresses, partenariats noués, réseaux, lobbying,…,
  • Le capital organisationnel : avantages compétitifs, business model,…
  • Le capital client, si la commercialisation a démarré, qui peut être évalué sur la base du chiffre d’affaires annuel récurrent,
  • Les frais de recherche et R&D, s’ils ne figurent pas dans les actifs incorporels, le site internet,…
Valoriser son entreprise

Point n°2 : Les méthodes comparatives

Les méthodes comparatives consistent à déterminer la valorisation de la startup en partant de la valorisation d’autres startups, qui ont fait l’objet d’opérations récentes  d’investissement ou de vente sur le marché, et en prenant comme critère de comparaison un ratio : chiffre d’affaires, Excédent Brut d’Exploitation, résultat net, ou autre.

Ces méthodes nécessitent des recherchent assez longues. Elles ont l’avantage de donner une bonne connaissance du marché, de la concurrence, des possibilités de sortie pour les investisseurs.

Les limites de ces méthodes sont les suivantes :

  • L’activité d’une startup étant par principe innovante, il n’y a pas d’entreprises vraiment comparables sur le marché.
  • Les comparaisons sont difficiles car l’information circule peu dans le domaine des startups (ces données sont en principe confidentielles).
  • La valorisation des startups dépend en partie du montant des liquidités sur le marché. Lorsque le marché dispose de beaucoup de liquidités, les valorisations sont plus élevées.
  • Les marchés ne sont pas tous identiques (impossible par exemple de comparer une cession réalisée aux US et une cession réalisée en France).

On trouve sur internet des tables de multiples par secteur d’activité en fonction du chiffre d’affaires, de l’EBITDA,… qui peuvent aider à mettre en œuvre ce type d’approche.

Point n°3 : Les méthodes prospectives

Les méthodes prospectives sont basées sur l’idée qu’un actif vaut ce qu’il va rapporter dans le futur.

Un startup vaut donc ce qu’elle va rapporter dans le futur, à savoir : ce qu’elle rapportera chaque année tant que l’investisseur détient des parts + ce qu’elle rapportera à l’investisseur, lorsqu’il sortira de l’entreprise.

On part :

  • D’un indicateur de performance : l’EBE/EBITDA, Excédent net d’exploitation/EBIT, Résultat Courant Avant Impôt, Résultat  Net, Capacité d’Auto-Financement (CAF) ou cash-flow d’exploitation
  • D’une hypothèse de taux d’actualisation annuel, incluant le taux de l’inflation, le coût de la rémunération du capital (Coût Moyen Pondéré du Capital) et le coût  du risque,
  • D’une hypothèse de valeur de l’entreprise à échéance, le plus souvent entre 5 et 7 ans

L’indicateur le plus utilisé en matière d’évaluation prospective est le cash flow net (DCF ou discounted cash flow en anglais), d’où le nom de : méthode DCF, bien connue dans l’écosystème des startups.

En pratique :

  • On établit des prévisions de flux de cash flow disponible sur 5 à 7 ans
  • Cash flow disponible = Résultat d’exploitation – IS + dotations aux provisions et amortissements – coût des investissements – variation du BFR
  • On actualise les flux annuels de cash flow disponible
  • Les flux au-delà de 5/7 ans sont calculés à partir d’un flux de trésorerie normatif divisé par (taux d’actualisation – taux de croissance de l’entreprise). Dans le cas  d’une startup, on simplifie généralement en arrêtant les calculs à 5/7 ans et en  prenant une valeur finale à 5/7 ans issue de valorisations de sociétés
  • On actualise la valeur finale de l’entreprise actualisée

La valorisation actuelle de l’entreprise est égale à la somme des flux annuels actualisés et la valeur finale  actualisée.

Exemple :

2023   2024   2025   2026  
Cash Flow disponible  300 320 350
Valorisation à terme = X* RN 2017  4 000
Taux d’actualisation 30% 0,77 0,59 0,46 0,35
Cash Flow disponible actualisé 231 189 159
Valeur à terme actualisée 1400
Valeur de l’entreprise 231 +189 +159 +1400 = 1979

Les limites de ces méthodes sont les suivantes :

  • On part de chiffres prévisionnels, à un stade d’avancement de la startup (l’amorçage) où il est encore difficile de faire des prévisions. Les chiffres réels au fil des années s’avèrent souvent largement inférieurs aux prévisions qui avaient été faites au démarrage de la société.
  • La société génère peu ou pas de rentabilité sur les premières années, du coup tout repose sur des prévisions de cash flows très éloignés.
  • Comment définir le taux d’actualisation annuel ?
  • Et surtout, comment évaluer la valeur à terme de la startup ?

Cette méthode s’applique plus facilement à une entreprise ayant déjà  un certain recul sur son activité (donc davantage en phase de  croissance que d’amorçage)

C’est une méthode finalement qu’il faut connaître, parce que les cabinets  de conseil l’appliquent souvent, même si elle n’est pas très pertinente dans  le cas d’une startup en seed.

Valorisation d'entreprise

Point n°4 :  L’approche à partir du taux de dilution

Un méthode très simple consiste à partir du taux de dilution escompté (presque toujours 15% à 30%) et du montant de la levée de fonds.

La valorisation de l’entreprise, le montant de la levée de fonds et le taux de dilution sont liés. Lorsqu’on a 2 des 3 chiffres, le 3ème chiffre se déduit mathématiquement.

Cette approche ne peut bien sûr être utilisée que pour des startups avec une activité simple (prestations de services, marketplace,…) et à un stade amont, avant que la startup ne réalise du chiffre d’affaires.

Elle n’est applicable, ni à une activité de hardware, ni à une startup qui a commencé la commercialisation.

Point n°5 : Les méthodes de scoring et autres méthodes empiriques

Différentes méthodes de scoring ont été développées, certaines basées sur l’analyse des facteurs de risques, d’autres sur les facteurs de succès de la startup,…

La méthode de Berkus, qui analyse les facteurs d’atténuation des risques, est la plus répandue.

Les réseaux de business angels, les pôles de compétitivité, ont des grilles d’évaluation, qui leur sont propres, et leur permettent de porter une appréciation empirique sur les startups.

Les méthodes de scoring et les grilles d’évaluation sont toutes basées sur les mêmes critères : on regarde en premier l’offre, le marché et l’équipe, l’état d’avancement de la startup. On cherche ensuite à déterminer ce qui fera que la startup performera (stratégie de go to market, risques spécifiques,…).

En partant d’une valorisation standard des startups qui en sont au même stade d’avancement, on en déduit la valorisation approximative de la startup que l’on étudie.

Les fonds de capital risque ont eux aussi leur propre méthode de valorisation, qui consistent à partir d’un ROI attendu.

Certains réseaux de business angels panachent les méthodes, par exemple en recherchant des startups comparables sur le marché et en appliquant ensuite une méthode prospective.

Toutes ces méthodes empiriques sont finalement tout aussi adaptées à la valorisation d’une startup que les méthodes classiques, qui conviennent mieux à des entreprises en phase de développement.

Point n°6 :  En synthèse

Il n’y a pas de méthode scientifique pour déterminer la valorisation d’une startup.

La valorisation d’une startup est davantage le résultat d’une négociation entre les fondateurs et les investisseurs que le résultat d’une formule mathématique.

La bonne valorisation est celle qui convient à toutes les parties : porteurs de projet et investisseurs.

Il est bon d’avoir des ordres de grandeur en tête et le mieux est d’utiliser plusieurs méthodes à la fois et de considérer que parmi les résultats obtenus, la valorisation la plus élevée est un maximum et la valorisation la plus faible un minimum.

Si les résultats des différentes méthodes ne sont pas trop éloignés les uns des autres, on peut aussi faire une moyenne et considérer que la valorisation, qui sera finalement retenue, doit être proche de cette moyenne.

D’une façon générale, la valorisation d’une startup est une opération complexe et il est recommandé de se faire accompagner.

Chantal Corbet
corbetassociés@gmail.com